quarta-feira, outubro 31, 2007

La bohème






Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître
Montmartre en ce temps-là accrochait ses lilas jusque sous nos fenêtres
Et si l'humble garni qui nous servait de nid ne payait pas de mine
C'est là qu'on s'est connu, moi qui criais famine et toi qui posais nue

La bohème, la bohème... ça voulait dire, on est heureux
La bohème, la bohème... nous ne mangions qu'un jour sur deux

Dans les cafés voisins, nous étions quelques-uns qui attendions la gloire
Et, bien que miséreux, avec le ventre creux nous ne cessions d'y croire
Et quand quelque bistro contre un bon repas chaud nous prenait une toile
Nous récitions des vers, groupés autour du poêle en oubliant l'hiver

La bohème, la bohème... ça voulait dire «tu es jolie»
La bohème, la bohème... et nous avions tous du génie

Souvent il m'arrivait devant mon chevalet de passer des nuits blanches
Retouchant le dessin de la ligne d'un sein, du galbe d'une hanche
Et ce n'est qu'au matin qu'on s'asseyait enfin devant un café-crème
Épuisés mais ravis, fallait-il que l'on s'aime et qu'on aime la vie

La bohème, la bohème... ça voulait dire, on a vingt ans
La bohème, la bohème... et nous vivions de l'air du temps

Quand au hasard des jours, je m'en vais faire un tour à mon ancienne adresse
Je ne reconnais plus ni les murs ni les rues qui ont vu ma jeunesse
En haut d'un escalier je cherche l'atelier dont plus rien ne subsiste
Dans son nouveau décor, Montmartre semble triste et les lilas sont morts

La bohème, la bohème... on était jeunes, on était fous
La bohème, la bohème... ça ne veut plus rien dire du tout



Jacques Plante




Pindaro

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